Description du projet
Émile, six ans, ne quittait pas des yeux sa tante Madeleine. Il la trouvait fascinante avec ses formes douces, ses longs cheveux châtains tombant en cascades, et son sourire si bienveillant. De huit ans plus jeune que sa sœur Yvonne, Madeleine s’était naturellement prise d’affection pour son neveu dès sa naissance. À seulement onze ans, elle avait spontanément endossé le rôle de seconde maman, s’occupant souvent de lui. Émile passait la plupart de son temps chez ses grands-parents, Rose et Fernand, qui habitaient juste en face de la maison de ses parents, employés chez Letellier. Madeleine et ses aïeuls apportaient un soutien précieux au jeune couple.
Ce soir-là, l’air d’été était doux, et Émile était une fois de plus aux côtés de sa tante, lors d’un rendez-vous galant. C’était devenu une habitude qu’il chérissait. Servant de chaperon, il se sentait important et n’hésitait jamais à la suivre dans ces escapades romantiques, toujours heureux de l’accompagner. Pour une jeune fille de 16 ans et demi, c’était le moyen idéal de rencontrer ses prétendants sans qu’ils tentent d’aller plus loin qu’un simple baiser. Si elle attirait l’attention de nombreux garçons, elle restait néanmoins sur ses gardes. Cela rassurait également ses parents.
Elle avait rendez-vous avec Léon, un beau jeune homme travaillant comme chef d’équipe pour les chemins de fer. Venu de la région parisienne pour un chantier à A., il l’attendait derrière le bâtiment préfabriqué qui servait d’église depuis que la véritable avait été détruite pendant la guerre. C’était l’endroit favori de Madeleine pour ses rencontres amoureuses. Pendant que les deux jeunes gens discutaient, Émile, qui les accompagnait, jouait dans l’herbe avec l’une de ses petites voitures. De temps à autre, il levait les yeux vers eux, croisant parfois le regard bienveillant de Léon qui lui souriait à travers sa moustache blonde, tandis que les joues de Madeleine rosissaient.
Sur le chemin du retour, Émile remarqua que sa tante semblait particulièrement joyeuse. Ce monsieur lui plaisait certainement.
Pendant trois semaines, les rencontres se répétèrent, toujours sous la vigilance du petit garçon. Puis, du jour au lendemain, tout s’arrêta.
Curieux, Émile demanda à sa tante :
— Pourquoi tu ne vois plus le monsieur des chemins de fer ?
— Il est parti, répondit-elle tristement. Il a terminé son travail ici et est rentré à Paris.
— Il aurait pu t’emmener avec lui… Même si moi, je ne veux pas que tu partes, ajouta Émile d’un ton doux.
— Je ne veux pas partir non plus, répondit-elle avant de l’étreindre tendrement. Sinon qui veillera sur toi ?
Extrait d’un roman d’inspiration biographique écrit en 2024